Nos retrouvailles furent teintées d'un rouge sanglant.
Crystal n'aurait jamais imaginé que cela se passerait ainsi.
Elle avait un jour laissé quelqu'un lui dire que les sentiments ne pouvaient être contrôlés. Elle se souvenait que c'était quelqu'un de cher, un être qui s'était perdu aux affres de la passion.
Contrôler les sentiments était aussi impossible que d'arrêter le temps, avait-il encore ajouté, mais ne pas le vivre c'était comme mourir.
Crystal le savait, mais aussi contradictoire que cela puisse paraître, elle n'avait pas compris à cette époque. Elle ne le souhaitait pas.
Puis vint le jour où elle n'avait eu d'autre choix que de le faire. Pourtant, elle avait passionnément aimé l'homme à qui elle s'était fiancée, l'homme qu'elle croyait de tout son cœur bientôt prendre pour époux et avec qui elle vivrait heureuse jusqu'à la fin de ses jours.
Elle l'aimait à la folie, et même si l'intensité dans leur relation était modérée, l'amour qu'elle ressentait était tel que la jeune femme aurait pu se contenter de cette modération jusqu'à son dernier souffle.
Hélas, son cœur en avait décidé autrement. La jeune femme ignorait si c'était un caprice du destin ou encore la volonté des dieux, mais le fait est que tout l'amour qu'elle pensait pouvoir jamais éprouver, au final, elle l'a éprouvé pour cette personne. Et cela, elle avait failli ne pas trouver la force de l'accepter et pourtant, jamais elle ne serait capable de le regretter.
Cela devait bientôt faire sept ans qu'elle ne l'avait pas revu. Sept ans durant laquelle elle ne l'avait pas oublié, mais ne pensait plus aussi souvent à lui, du moins, passés les deux ans d'enfer. Ce fut à cette période qu'elle rencontra d'ailleurs son frère que Crystal avait tout d'abord eu l'erreur de prendre pour lui, et qui en un rien de temps devint le meilleur ami de son grand amour.
En repensant à tous ces moments plein de stabilité, de chaleur et rires, Crystal se demandait encore comment son cœur pouvait prendre cet autre chemin si cahoteux et noir, le seul qu'il pouvait emprunter pour venir à lui, mais il l'a fait. Il a abandonné toute cette joie et cette dévotion pour pouvoir s'unir au sien, meurtri par l'atrocité et la tragédie du monde.
Ce soir était un vendredi soir, et Crystal accourut légèrement pour rejoindre ses amis dans un des clubs les plus prisés de Miami. Elle avait décidé de boucler un dossier au bureau, et fut donc la dernière arrivée. Ses amies qui dataient du lycée l'attendaient à une table légèrement en retrait, et d'après leurs rires et leurs discussions, elles avaient déjà pas mal vidés quelques verres.
Quand elles la virent, elles ne purent cacher leur admiration car leur amie était d'une beauté à couper le souffle avec sa chevelure d'un noir de jais, son visage à la symétrie parfaite, et son nez à la longueur parfaite qui donnait à son profil une pureté extraordinaire, et ses yeux bleu saphir, plus bleu qu'un ciel d'été donnait à cet ensemble de perfection. Elle portait ce jour un ensemble abricot et des hauts talons qui mettaient en valeur si possible son corps très mince muni de quelques courbes.
- Magnifique ! Ne put s'empêcher de s'exclamer une de ses amies, Fiona une fleuriste qui avait ouvert son propre magasin depuis peu, et qui a réussi à se démarquer du lot. Elle était petite et brune et sans grande beauté, mais sa nature aimable rachetait beaucoup cette absence d'éclat, et l'a beaucoup aidé à amener ses clientèles et à les fidéliser. C'était aussi la seule des quatre amies présentes de Crystal que cette personne n'a pas connu, puisqu'elle ne s'est liée d'amitié avec elle que quelques mois après leur rupture.
- Merci, Fiona ! répondit Crystal en prenant place et en appelant tout de suite le serveur pour commander sa boisson préférée – un mojito à la menthe fraîche.
Le serviteur, un italien très séduisant, comme la plupart des hommes hétéro ne put s'empêcher de la détailler avec admiration. Sa commande passée et après avoir remercié l'italien de son admiration exhibèrent, se détendit enfin.
- Désolée les filles, il y a eu un travail que j'ai vraiment désiré boucler aujourd'hui.
Ses amies évidemment comprirent aisément cela. Dans le monde adulte, le travail est une priorité et une nécessité.
Quelques minutes plus tard, tout en sirotant sa boisson rafraîchissante, Crystal étudia ses quatre amies. Elle pouvait sans vanter se nommer la plus belle du groupe alors que c'était totalement faux. À part Fiona, les jeunes femmes étaient d'une beauté époustouflante, mais la fleuriste ne leur en avaient jamais tenu rigueur, pour leur plus grand bonheur, car elles étaient trop liés pour ressentir les unes envers les autres ce genre chose, et encore, hormis Fiona, elles étaient toutes fiancées, et attendaient avec impatience le grand jour. Crystal devait être celle qui sautera le pas en premier. D'ailleurs ce soir, ses amies ne cessaient de la taquiner sur son fiancé, et sur l'amour profond qu'ils partageaient l'un l'autre.
- Vous êtes dans le même cas, alors vos plaisanteries sonnent un peu faux !
Elles éclatèrent toutes les cinq de rires.
- Ce n'est pas vrai ! protesta Fiona en piquant une olive, je suis aussi célibataire qu'à la naissance, alors mes taquineries douteuses devraient être prises au sérieux.
- À la naissance... releva Crystal avec un air faussement scandalisé, je crois que le célibat ne te réussit pas trop. Tu es en manque d'homme !
- Tous les couples disent cela.
- Tu ne le veux vraiment Fiona ? Être avec quelqu'un...
- Bien sûr que si, mais vous savez très bien que ma boutique me prend tout mon temps, alors...et puis, même si je trouve quelqu'un, cela n'ira pas forcément bien...Et tu es bien placée pour le savoir, n'est-ce-pas Crystal.
La jeune femme n'eut d'autre choix que d'acquiescer. De toute façon, elle refusait de renier son passé simplement parce que elle y avait souffert comme si elle n'allait jamais s'en remettre, mais heureusement, pour son plus grand bonheur et soulagement, elle y arriva. Il était finalement vrai et quoi qu'on en dise que l'amour était le seul et vrai remède à l'amour.
Mais cela ne l'empêcha pas, et malgré les années écoulées, de sentir cette familière et nostalgique douleur en repensant à sa relation d'antan.