Corps-sang

Chapitre 5

Petit déjeuner entre amoureux, bifurcation à la boulangerie, sourire au garde, discussion agréable avec la femme de ménage... Sauf qu'une fois arrivée dans le couloir de son bureau Katrina sentit que quelque chose dans l'air avait changé. Quelques personnes sourirent de manière moins chaleureuse. Katrina fut invitée à prendre un café alors elle s'en remit vite. Morgane passa pour discuter et Katrina avança dans le prochain article dans le calme.

Paul devait partir plus tôt alors il mangea en silence. Katrina se leva exprès pour lui dire au revoir. Étant réveillée elle en profita pour prendre le petit déjeuner avec sa famille puis pour accompagner son frère sur la moitié de son chemin. Katrina sourit au gardien puis discuta avec la femme de ménage mais plus personne ne lui sourit dans le couloir. Katrina ne se fit pas inviter à prendre un café. Le travaille était plus pesant. Morgane passa moins longtemps. Katrina lui demanda si elle avait remarqué quelque chose mais Morgane fit mine de ne rien savoir alors Katrina la crut. Katrina passa chez ses parents avant de rentrer et elle se sentait déjà plus légère.

Paul prépara le petit déjeuner avec amour. Katrina n'eut pas le temps de passer à la boulangerie alors elle salua simplement ses parents par messages. Elle sourit au garde en avance puis discuta avec la femme de ménage avant de prendre le chemin de son bureau. Arrivée dans le couloir Katrina accéléra le pas. Elle ne se sentait plus la bienvenue et même Morgane ne vint pas discuter. Katrina n'arrivait pas à se concentrer alors elle sortit pour trouver son amie. Sans le vouloir Katrina surprit une conversation dont elle était le centre.

« Elle cache bien son jeu derrière ses airs d'ange. Elle te sourit et derrière ton dos elle te vole ton article. »

Le cœur de Katrina loupa un battement.

« Elle a pas écrit un seul mot de cet article. Morgane s'est tuée à la tâche. Elle lui a simplement demandé de l'envoyer au directeur. Qu'est-ce qu'elle croyait ? Que pour avoir rendu ce tout petit service elle pouvait réclamer une récompense? Non mais elle ne sait pas que tout se mérite dans la vie cette petite ? »

Katrina recula. Elle retourna à son bureau et s'assit. Ses épaules tombèrent incompréhensive. Elle finit par chercher son téléphone pour appeler Morgane. Elle allait lui dire ce qu'elle venait d'apprendre pour lui demander naïvement de l'aide mais sa meilleure amie ne lui répondit pas. Elle ne la croisa pas de la journée et Katrina n'alla pas voir ses parents pour pas les inquiéter. Elle se confia à Paul qui la réconforta.

Ses parents envoyèrent un message à Katrina sentant que quelque chose n'allait pas. Elle nia et parvint à les rassurer. Katrina sourit au gardien et discuta avec la femme de ménage plus longtemps que d'habitude. Morgane finit par réapparaître à midi mais niait être au courant des ragots et ne fut pas d'une grande aide malgré ses paroles rassurantes. Katrina se sentait de plus en plus épiée et les collègues ne se cachaient plus pour déformer les faits.

Katrina finit par passer prendre le petit déjeuner avec sa famille et leur raconta par la même occasion les faits passés. Elle nuança cependant. Sa mère lui sourit avec peine sachant très bien qui avait fait cela.

« Jalousie... »

Katrina ouvrit grands les yeux quand sa mère prononça le nom de sa meilleure amie. Ce ne pouvait être vrai mais au fond elle se mentait.

Katrina salua le gardien perdue dans ses pensées. Elle discuta avec la femme de ménage puis monta dans son bureau. Elle évita le contact et se forçait à oublier les regards pesants. Morgane ne prit pas la peine de venir lui parler et Katrina était satisfaite de ce silence même s'il était parfois corrompu par la femme. Kat se concentrait sur son travail qui était bel et bien le sien.

Une fois rentrée elle profita de la présence de son fiancé qui réussit à la détendre et à lui faire oublier. Katrina se coucha le sourire aux lèvres mais fut assez vite réveillée par son téléphone posé sur sa table de chevet. Paul grogna. En voyant le nom affiché Katrina eut le mal de mer.

Il lui fallut quelques secondes pour se remettre à respirer. Elle sauta sur ses pieds et sortit de la chambre pour décrocher. Aucun son ne sortit de sa bouche quand d'une main tremblante elle porta le téléphone à son oreille. Katrina se contenta donc d'attendre.

« Katrina ? demanda une voix grave.

-Oui ?...

-Cette fois-ci c'est fini ! J'appelle la police si tu te ramène pas dans les deux prochaines minutes ! »

Sur ce l'homme avait raccroché et Katrina avait couru hors de la maison les pieds nus. Elle se pinça maintes fois tout en continuant sa course et arriva devant la petite maison jaune sans se rendre compte qu'elle avait froid.

Entendant des cris à l'intérieur Katrina força ses jambes à bouger. Son petit frère n'était pas le seul à hurler. La bouche en sang il était retenu par un inconnu tandis qu'un autre homme retenait dans l'autre coin de la maison un homme à l'œil gonflé.

Voyant la grande sœur monsieur Bagnard attrapa sans ménagement le petit frère et le jeta dans les bras de sa sœur puis les poussa hors de la maison jaune.

« Je ne veux plus jamais vous voir ici ! Dégagez ! »

La porte se referma derrière eux et Katrina s'écroula au sol sous le poids de son petit frère. Ce dernier calait des insultes entre ses phrases dénuées de sens. Katrina pâlit quand elle se rendit compte que son frère ne réagissait pas. Il ne la reconnaissait pas. Il n'avait pas honte.

Paul apparut quelques instants après et aida Katrina à porter Noah jusqu'à chez eux. Noah ne se laissa pas faire. Il criait, riait et donnait des coups mais n'ayant pas d'équilibre Paul gagnait à la bataille. Une fois dans l'appartement Noah ne resta pas sur place. Rongé par la violence il cassa les cadres photo ainsi que des assiettes. Paul faisait de son mieux tandis que Katrina essayait de surmonter la peur qu'elle éprouvait.

Au bout d'heures interminables Noah s'écroula. Cela ne mit pas fin aux problèmes. Il se mit à vomir et manqua de s'étouffer. Katrina le bascula sur le côté et lui caressa la tête durant tout le reste de la nuit. Paul quant à lui nettoya en marmonnant.

Cela finit par se calmer et Paul porta Noah au lit d'invité avant de rejoindre Katrina dans la cuisine. Cette dernière se retenait au lavabo dégoulinante.

« Kat... Je sais que ce n'est pas le bon moment mais je t'avais dit qu'il n'allait pas changer... »

Katrina serra le lavabo jusqu'à le briser. Soudain la porte s'ouvrit et la femme entra. Katrina secoua la tête. Elle n'allait pas supporter. Elle avait besoin de temps. Elle ignorait pourquoi mais le temps allait l'aider. Sauf que le temps ne lui fut pas donné.

« Coucou Katrina. J'ai entendu dire que ton frère était dans un salle état. Que s'est-il passé ? »

Katrina ignora la femme avec toute la force de son esprit.

« Chérie... Tu ne vois pas que ton frère a un problème ? »

Katrina ignora son fiancé aussi au bord de l'évanouissement.

« Oh Kat, ne me dis pas qu'il a recommencé ?

-Tu ne peux pas continuer à le cacher comme ça...

-C'est lui qui a tout cassé comme ça ? Eh bah dis donc. Il a de la force le petit.

-Que se passera-t-il la prochaine fois ? Je sais ça fait mal mais tu dois penser à son bien...

-Ça va coûter cher de tout remplacer. Tu vas demander l'aide de qui ?

-Il y a de très bons instituts pour les personnes qui sont comme lui.

-Tes parents sont au courant de ce qu'il a fait ?

-Je vais rester à tes côtés tout le long ne t'en fais pas. Tu n'es pas seule Katrina...

-Non ? Comment peux-tu cacher ça à tes parents ?

-Laisse moi t'aider...

-Ta mère mourrait de stresse si elle apprenait.

-Tu dois le dire à tes parents.

-Déjà que sa santé est très fragile... Je n'imagine pas comment elle réagirait.

-Tu ne peux pas continuer comme ça. Seule tu n'y arriveras pas.

-Elle mourrait d'une crise cardiaque. Cela lui permettrait au moins de ne pas souffrir plus.

-Assez ! »

Les voix se turent surpris. Katrina avait hurlé de toutes ses forces.

« La ferme ! »

Elle hurlait si fort qu'elle en avait mal aux poumons.

« Tais toi ! Tais toi ! »

Katrina attrapa sa tête et continua à hurler.

« Je veux que tu te taise ! Que tu arrête ! »

Paul regardait sa fiancé effrayé tandis que la femme souriait d'un air narquois. Katrina éclata en sanglots au bord du gouffre. Paul posa une main sur son épaule pour la rassurer mais cela fit seulement sursauter Katrina. La jeune femme se retourna d'un coup se forçant à retenir ses larmes encore un peu.

« Sors de chez moi. »

Paul recula d'un pas pris de court.

« Comment ? »

Katrina se contenta de fixer Paul droit dans les yeux.

« Je t'en supplie sors de chez moi.

-Pourquoi ?

-S'il te plaît.

-Non. Je ne vais pas te laisser seule.

-Mais je veux être seule ! Je n'ai pas besoin de ton aide ! J'ai commencé seule je finirai seule !

-Comment ça tu as commencé seule ? J'ai toujours été là pour te soutenir !

-Je sais ! Et je t'en remercie. Mais je refuse de laisser tomber mon frère. Et si tu ne peux pas comprendre ça alors on ne peut pas rester ensemble.

-Mais ça ne peut pas continuer comme ça ! Il doit se reprendre en main ! Ça devient très dangereux !

-Je ne suis pas bête ! Mais je ne peux pas le dire à mes parents !

-Pourquoi ?

-Parce que !

-Ce sont ses parents aussi ! Ils ont le droit de savoir.

-Ils ne le supporteraient pas !

-Tu ne peux pas le changer ! Tu n'y arriveras jamais !

-Merci de croire en moi !

-Ce n'est pas une question de confiance ! Tu ne peux pas le changer ! Il doit y arriver seul !

-Je sais mais ce n'est pas si facile ! Je vais rester à ses côtés jusqu'à la fin !

-Ce n'est pas ce qui va l'aider !

-Sors !

-Non !

-Sors de chez moi ! Je ne veux plus te voir ! Plus jamais !

-Je reste !

-Non ! Vas-t'en ! Je te quitte ! »

La femme jubilait devant la scène tandis que Paul devenait de plus en plus pâle alors qu'il réalisait. Quelque chose s'était brisé.

Au réveil de Noah il n'y avait plus que Katrina, la femme et les verres brisés. Le petit frère se redressa tant bien que mal et gémit à cause de son mal de crâne. Katrina prit soin de son cadet. Elle nettoya ses plaies et lui donna des médicaments. Elle l'aida à prendre un bain et lui apporta des vêtements propres. Une fois propre elle l'aida à s'asseoir à la table de la cuisine et lui servit à manger. Elle lui proposa d'habiter chez elle au lieu de chez les parents pour quelques temps.

« Pourquoi ? demanda Noah. »

Katrina leva le regard d'un coup vers son frère surprise.

« Pour que tu puisse garder un œil sur moi ?

-Pas seulement. J'aime t'avoir à mes côtés.

-Je suis content de savoir que tu apprécie me voir dans un salle état.

-Ce n'est pas ce que j'ai dit. »

Face au silence de son frère Katrina essaya de lui faire comprendre qu'elle était là pour lui.

« Je suis là Noah. Tu peux compter sur moi.

-C'est sûr que tu m'es d'une grande aide. »

Un frisson désagréable parcourut notre héroïne.

« Tu veux dire que je ne suis pas assez là pour toi, Noah ?

-Si justement tu es trop là. Tu es là à chaque fois que je bois un peu. Je veux juste oublier pour quelques heures. Perdre le contrôle mais à chaque fois je me retrouve chez toi et je m'en veux. Ce n'est pas en me ramassant à chaque chute que tu vas m'aider. »

Katrina resta bouche bée.

« Tu sais quoi j'ai plus faim. »

Noah se leva et titubant sortit de l'appartement. Katrina resta figée. Elle ne réagit pas quand la femme fit son entrée. Elle ne réagit pas quand cette dernière commença son monologue. Elle ne réagit à rien pour le reste de la journée.