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Taïpi

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Herman Melville, du haut de ses vingt-cinq ans, nous raconte la rencontre avec un peuple étonnant du Pacifique

Nuku-Hiva, une île de l'archipel des Marquises, Pacifique. Deux tribus y vivent, l'une douce et pacifique, l'autre cannibale. Après avoir fui le navire baleinier, deux fugitifs sont recueillis par l'une des tribus. Taïpi est la relation d'une aventure qu'a connue Herman Melville avec l'un de ses coéquipiers après une campagne éprouvante de chasse à la baleine. Ils sont très bien accueillis et vivent en harmonie avec leurs hôtes sur cette île paradisiaque.

Un récit documentaire qui nous fait explorer la Polynésie, ses autochtones et sa splendeur d’antan !

EXTRAIT

Six mois en mer ! Oui, six mois sans avoir vu la terre, à courir après la baleine, sous le soleil brûlant de l’Équateur, ballottés par les vagues du Pacifique avec le ciel au-dessus de nos têtes, l’Océan autour de nous et rien d’autre !

Depuis des semaines nos provisions de denrées fraîches sont épuisées, nous n’avons pas un légume ; les beaux régimes de bananes qui décoraient autrefois l’entrepont ont disparu ; disparues aussi les oranges délicieuses qui pendaient à nos vergues ! Il ne nous reste plus que des conserves et des biscuits.

Oh ! revoir un brin d’herbe tendre, humer les senteurs du sol ! N’y a-t-il rien de frais autour de nous, rien de vert sur quoi reposer nos yeux ? Si, l’intérieur des flancs du navire est peint en vert mais d’une couleur si terne qu’elle ne peut évoquer l’idée des feuilles d’arbres ou des prairies ; même l’écorce du bois qui nous sert de combustible a été dévorée par le porc du capitaine…, d’ailleurs, depuis lors, le porc a été mangé.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

On va, d'îles en îles, on tombe amoureux de ces polynésiens, on admire l'eau écarlate, on nage dans ces eaux chaudes, on vit sur ces plages qui n'existent plus et quand la dernière page arrive, c'est le dernier rivage qui s'estompe. On sait qu'on rentre au port, que s'en est fini de l'exil, du périple en mer du sud. On regrette alors que le voyage n'ait pas été plus long... - Tolbiac, Babelio

Finalement, Melville nous en dit bien plus sur l'Occident, et le regard eurocentriste (qui comprend aussi l'Amérique, qu'on se le dise) au XIXe siècle que sur la Polynésie. Un chef-d'oeuvre. - Usurpateur, Babelio

À PROPOS DE L’AUTEUR

Herman Melville, né le 1er août 1819 à Pearl Street, au sud-est de Manhattan (New York), mort le 28 septembre 1891 à New York, est un romancier, essayiste et poète américain. Pratiquement oublié de tous à sa mort, Melville est redécouvert dans les années 1920 à travers son œuvre maîtresse Moby d**k. Il est désormais considéré comme l'une des plus grandes figures de la littérature américaine. 

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Chapitre 1
Chapitre 1 Six mois en mer ! Oui, six mois sans avoir vu la terre, à courir après la baleine, sous le soleil brûlant de l’Équateur, ballottés par les vagues du Pacifique avec le ciel au-dessus de nos têtes, l’Océan autour de nous et rien d’autre ! Depuis des semaines nos provisions de denrées fraîches sont épuisées, nous n’avons pas un légume ; les beaux régimes de bananes qui décoraient autrefois l’entrepont ont disparu ; disparues aussi les oranges délicieuses qui pendaient à nos vergues ! Il ne nous reste plus que des conserves et des biscuits. Oh ! revoir un brin d’herbe tendre, humer les senteurs du sol ! N’y a-t-il rien de frais autour de nous, rien de vert sur quoi reposer nos yeux ? Si, l’intérieur des flancs du navire est peint en vert mais d’une couleur si terne qu’elle ne peut évoquer l’idée des feuilles d’arbres ou des prairies ; même l’écorce du bois qui nous sert de combustible a été dévorée par le porc du capitaine…, d’ailleurs, depuis lors, le porc a été mangé. Il n’y a plus qu’un seul habitant dans la cage à poules : c’était autrefois un coq jeune et hardi qui exerçait magnifiquement sa toute-puissante royauté. Regardez-le maintenant : il reste toute la journée perché sur une de ses pattes et se détourne avec dégoût du grain moisi et de l’eau croupie qui forment sa pitance ; sans doute regrette-t-il ses compagnes qui lui ont été enlevées, une à une ; mais il ne les regrettera plus longtemps car Mungo, notre cuisinier n***e, m’a dit hier que le sort du pauvre Pedro est fixé ; son corps amaigri sera porté dimanche sur la table du capitaine et, bien avant la nuit, aura fait, avec le cérémonieux habituel, les délices de cet estimable officier. Qui pourrait se montrer assez cruel pour désirer la mort de l’infortuné Pedro ? Pourtant les matelots ne cessent de la souhaiter car ils prétendent que le capitaine ne dirigera pas le bâtiment vers la terre tant qu’il aura en perspective un repas de chair fraîche. Or, ce malheureux volatile est seul maintenant à pouvoir le lui fournir. Quand il l’aura dévoré, le capitaine reviendra à la raison. Je ne te veux pas de mal, Pedro, mais puisque tu es condamné à subir, tôt ou tard, le sort de toute ta race et, puisque la fin de ton existence doit donner le signal de notre délivrance, je souhaite, moi aussi, qu’on te torde le cou, car j’ai un désir infini de revoir la terre ferme ! Le vieux bâtiment lui-même aspire à se retrouver sur son ancre et Jack Lewis a répondu tout net, l’autre jour, au capitaine qui critiquait sa man?uvre : — Voyez-vous, cap’taine, j’suis aussi bon pilote qu’on les fait, mais personne ne peut plus gouverner not’ vieille barque ; all’ sent la terre proche et n’veut plus s’laisser mener à l’inverse ! Pauvre bateau ! Il a l’air piteux ! Sa peinture brûlée par le soleil, se gonfle et se fendille ; il traîne du goémon dans son sillage, d’horribles mollusques se sont accrochés à sa poupe et, chaque fois qu’une vague se soulève, on voit sur sa quille des morceaux de cuivre déchiquetés. Pauvre bateau ! Tu roules et tu tangues sans répit depuis six mois. Mais prends courage, car j’espère te voir bientôt à l’ancre dans quelque baie aux rivages verdoyants à l’abri des vents mauvais. * — Hourrah ! les garçons ! Voilà qui est décidé ! La semaine prochaine, nous nous dirigeons vers les îles Marquises ! Les îles Marquises ! Quelles visions ce seul nom n’évoque-t-il pas ! Des houris enivrantes, des banquets de cannibales, des bois de cocotiers, des rochers de corail, des chefs tatoués et des temples de bambou ; puis des vallées riantes, plantées d’arbres à pain, des canots sculptés dansant sur des idoles, des rites païens et des sacrifices humains. Telles furent les étranges idées mêlées qui me hantèrent à partir de ce moment car j’éprouvai une irrésistible curiosité à l’égard de ces îles que les anciens voyageurs avaient si magnifiquement décrites. Le groupe vers lequel nous naviguions (bien qu’il doive être compris parmi les premières découvertes européennes dans les mers du Sud, puisqu’il fut visité dès l’année 1595) est toujours peuplé d’êtres aussi étranges et aussi sauvages que jamais. Les missionnaires, animés de l’esprit divin, se sont rendus sur leurs côtes superbes, mais ils les ont abandonnés à leurs idoles de bois et de pierre. Mais combien intéressantes sont les circonstances dans lesquelles ces îles ont été découvertes ! Elles avaient surgi devant Mendanna qui croisait devant leurs eaux à la recherche d’une région féconde en or, et, pendant un instant, l’Espagne avait pu croire son rêve réalisé. En l’honneur du marquis de Mendoza, alors vice-roi du Pérou, sous les auspices duquel le marin naviguait, il leur donna un nom qui dénotait quel était le rang de son maître et lorsqu’il rentra chez lui, il fit une description à la fois grandiose et vague de leur beauté. Mais ces îles qui n’avaient pas été troublées depuis des années retombèrent dans leur obscurité et ce n’est que récemment qu’on a appris quelques détails les concernant. Peu de renseignements ont été donnés sur cet archipel intéressant si l’on en excepte les quelques allusions qui y ont été faites dans des récits de voyages à travers les mers du Sud. Cook, dans ses nombreuses expéditions autour du monde, a juste effleuré leurs côtes et nous ne les connaissons que par de vagues descriptions. Au cours des dernières années, des bâtiments américains et anglais envoyés dans le Pacifique pour y pêcher la baleine ont parfois, lorsqu’ils étaient à court de provisions, jeté l’ancre dans le vaste port qui se trouve dans une des îles ; mais la crainte des indigènes, fondée sur le souvenir du sort affreux que beaucoup de Blancs avaient subi dans ces parages, a empêché les équipages de se mêler suffisamment aux habitants pour apprendre quelles sont leurs m?urs et leurs coutumes. Bref, il n’y a pas dans tout le Pacifique, de groupes d’îles découvertes depuis quelque temps que l’on connaisse aussi mal que les Marquises et il m’est agréable de penser que mon récit contribuera à arracher le voile qui couvre cette belle et romanesque région.

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