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Dans la plupart des romans ou des poèmes, il y a un langage spécial, à l’usage des mystères du b****r. Cette rhétorique conventionnelle n’a aucun rapport avec la vérité, ne donne que vaguement l’idée du sentiment, l’image de la sensation. C’est très difficile, il paraît, d’être sincère, de penser avec franchise, comme on regarde en face, même de savoir se déshabiller.
Les récits d’aventures quelconques laissés de côté, restent les maîtres. Victor Hugo, trop égoïste, n’a pas su être amoureux ; avec son art prodigieux, il n’a pu qu’en donner l’illusion. Lamartine chanta ; ce ne sont que des mots, rien que des mots ; il n’aima point ; il permit seulement de l’aimer. Dans une courte histoire, Graziella, on trouve pourtant mieux que du lyrisme, une tendresse, presque du cœur. Sur le tard, après l’acquis douloureux de ce que valent gloire littéraire et puissance gouvernementale, il se rappelle, dans cette idylle, avec une mélancolie de vieillard, la douce pêcheuse de Procida. Baudelaire, suprême artiste, est trop artificiel. Musset, lui, demeure à jamais le poète de la femme ; Heine aussi, le frissonnant et l’ironique. « De mes grands chagrins j’ai fait de petites chansons ». Intermezzo.
C’est presque tout.
Puis, quelques contes de voluptueuse passion : le Mariage de Loti ; la Dame aux Camélias ; Paul et Virginie ; Manon Lescaut, confession adorable tirée de longs mémoires ; Daphnis et Chloé ; d’autres encore, de loin en loin. Chacun sent que c’est arrivé ; de telles œuvres sont probantes comme des faits, comme de l’histoire.
Dans l’amour, les deux êtres sont nus.
C’est ce que semblent ces livres merveilleusement exacts, d’une simple réalité, soufflant la vie, la fièvre des caresses, le souvenir des heures folles, jouies et ensuite souffertes, la vie dont personne ne peut, à travers leurs pages, nier l’émotion.
F.C.
1885.