39. LE JOUR DU MARIAGE

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39. LE JOUR DU MARIAGE Le baromètre tint ses promesses. Le soleil brilla pour le jour du mariage de Blanche. À 9 heures du matin eut lieu le premier événement de la journée. Il était d’une nature essentiellement clandestine. Les futurs époux échappèrent à la contrainte imposée par l’autorité légitime et s’arrogèrent le droit d’avoir ensemble un entretien particulier dans la serre de l’Hermitage. – Vous avez lu ma lettre, Arnold ? – Je viens ici pour y répondre, Blanche. Mais pourquoi ne pas parler ?… pourquoi écrire ?… – Parce que c’était trop long à dire… parce que je ne savais pas comment vous pourriez prendre… cela…, et puis cinquante autres raisons. Je vous ai fait ma confession, je n’ai plus maintenant un seul secret dans lequel vous ne soyez de moitié. C’est le moment de dire non, Arnold, si vous pensez qu’il ne doit y avoir de place dans mon cœur que pour vous. Mon oncle dit que je suis opiniâtre et que j’ai tort de ne pas oublier Anne. Si vous êtes du même avis que lui, dites-le, cher, avant de faire de moi votre femme. – Vous répéterai-je ce que m’a dit sir Patrick, hier au soir ? – À ce sujet ? – Oui. La confession que vous me faites dans votre chère petite lettre, voilà justement ce qui a fait l’objet de notre entretien dans la salle à manger avant mon départ de la maison. Il m’a dit que votre cœur était résolu à retrouver miss Sylvestre. Il m’a demandé ce que je comptais faire quand nous serions mariés. – Et vous avez répondu ?… Arnold répéta la réponse qu’il avait faite à sir Patrick avec les chaleureux embellissements de langage qui convenaient à la situation. La joie de Blanche s’exprima par deux outrages successifs qu’elle ne rougit pas de commettre contre les convenances. Ses bras entourèrent le cou d’Arnold et elle l’embrassa deux heures avant que la sanction de la loi et de l’Église l’y eût autorisée. Frémissons, mais ne la blâmons pas. C’est la conséquence des institutions libres. – Maintenant, dit Arnold, c’est à mon tour de prendre la plume. J’ai une lettre à écrire avant que nous soyons mariés ; seulement, moi, j’ai besoin de votre aide. – À qui allez-vous écrire ? – À mon homme de loi, à Édimbourg. Je n’en trouverai pas le temps, si je ne le fais à l’instant. Nous partons pour la Suisse cette après-midi, n’est-ce pas ? – Oui. – Très bien. Je veux vous tranquilliser l’esprit, ma chérie, avant que nous ne partions. N’aimeriez-vous pas à savoir que des gens intelligents sont à la recherche de miss Sylvestre ? Sir Patrick m’a nommé le dernier endroit jusqu’où elle a été suivie, et mon homme de loi mettra du monde en campagne. Aidez-moi à rédiger ce billet convenablement, et l’affaire marchera sans retard. – Oh ! Arnold ! comment vous récompenser jamais de ce que vous faites aujourd’hui pour moi ? – Nous verrons cela en Suisse, Blanche. Ils pénétrèrent audacieusement, bras dessus, bras dessous, dans le cabinet de travail de sir Patrick, qu’ils savaient être à leur disposition, à cette heure de la matinée. Avec les plumes, l’encre et le papier de sir Patrick ils rédigèrent une lettre d’instructions pour rouvrir l’enquête que sir Patrick, dans sa sagesse supérieure, avait cru devoir clore. L’homme de loi ne devait épargner ni peines ni argent pour fouiller d’abord Glasgow et retrouver Anne. Les rapports devaient être adressés à Arnold sous le couvert de sir Patrick, à l’Hermitage. Pendant le temps qu’ils écrivaient cette lettre, 10 heures étaient arrivées. Blanche quitta Arnold pour aller revêtir les splendeurs de toilette nuptiale, après un nouvel outrage aux convenances et une nouvelle application des conséquences de nos institutions libres. Les événements ultérieurs furent d’une nature publique et avouable, conformes aux précédents consacrés par l’usage. Les nymphes du village semèrent de fleurs le porche de l’église et envoyèrent leur note le même jour. Les villageois sonnèrent joyeusement les cloches et firent des écarts de conduite le soir avec l’argent qu’ils avaient reçu. Le futur attendit dans l’église. Suivant la tradition et suivant leur nature, les dames versèrent des larmes quand la fiancée fut conduite à l’autel. Le ministre examina la licence, ce qui veut dire précaution officielle, et le regard du clerc, adressé au futur, voulait dire : n’oublions par les rémunérations officielles. Puis le service commença. À la bien considérer, c’est certainement la plus terrible de toutes les cérémonies humaines. Ce service qui unit deux êtres humains, qui ne savent rien de la nature de chacun d’eux et qui risquent l’effrayante expérience de vivre ensemble jusqu’à ce que la mort les sépare, on y devrait dire un psaume qui commencerait par ces mots : « Faites le saut dans les ténèbres, nous sanctifions votre folie mais nous ne garantissons pas les conséquences. » La cérémonie continua sans que le plus léger obstacle vînt l’entraver. Aucune aventure imprévue, aucune erreur de mauvais augure. Les derniers mots étaient dits et le livre saint était fermé. Ils signèrent leurs noms sur le registre, l’époux fut félicité, l’épouse fut embrassée. Ils revinrent à la maison sur un tapis de fleurs jetées sous leurs pieds. On hâta le déjeuner de noces, et les épithalames furent écourtés. Il n’y avait pas de temps à perdre, si les nouveaux mariés voulaient arriver pour le train de la marée. Une heure après, la voiture de noces les avait emportés à la station et les hôtes leur avaient fait leurs adieux du haut perron de la maison. Jeunes couples bienheureux, jeunes amants désormais attachés l’un à l’autre, planez au-dessus des sordides soucis de la vie ! Quel avenir doré s’ouvrait devant eux ! Mariés avec le consentement de leur famille et les bénédictions de l’Église, qui aurait pu supposer que le temps était proche où un terrible problème viendrait les surprendre dès les premiers temps de leurs amours : – Êtes-vous mari et femme ?
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