Mensonges et Secrets

Prologue Marrakech, Maroc. - Hey, la balaise ! Pousse-toi de mon chemin. - … - T’es sourde ou quoi ? Vu que la jeune fille ne réagissait pas, le nez plongé dans un livre, le jeune homme la poussa brutalement et elle manqua de tomber, secourue par de bras solides. - A l’avenir pense à bien t’enfoncer ton p****n d’appareil dans les oreilles ! s’écria le jeune homme en s’éloignant. Un groupe de jeunes étudiants qui suivaient la scène éclata de rire. Honteuse, Kenza se redressa, ramassa son livre et murmura des remerciements à son sauveur avant de s’éloigner en courant vers les toilettes. Elle jeta son sac à terre et s’assit sur la cuvette, la tête entre les mains. Plusieurs minutes s’écoulèrent avant qu’elle ne daigne sortir. Elle se dirigea ensuite vers le lavabo en soupirant. Elle était habituée à être brimer par les autres étudiants. Quand on a dix-neuf ans et qu’on pèse plus de cent kilos, il y avait de quoi attiser les moqueries de son entourage. En tout cas, c’est ce que pensait Kenza puisqu’au cours de ses dernières années, elle avait été confrontée sans cesse aux moqueries et railleries de gens qu’elle rencontrait que ce soit dans la rue ou à l’université dans laquelle elle étudiait la gestion d’entreprises. Kenza était excessivement grosse. Contrairement aux belles filles filiformes qui se pavanaient sans cesse dans l’université, elle avait plusieurs kilos en moins et cela lui attirait sans cesse les moqueries des autres étudiants. Lasse de ruminer ses sombres pensées, elle se jeta à plusieurs reprises de l’eau sur le visage et se dirigea nonchalamment vers la sortie. Là, elle vit celui qui l’avait empêché tantôt de tomber. Automatiquement, son cœur se mit à battre la chamade. Le basketteur le plus beau de l’université : Stanley Miller… Kenza se mit à rougir comme une pivoine. Il y avait de quoi. Stanley avait tout d’un « dieu grec », il était beau, trop fort, trop imposant, trop séduisant, bref, était « trop » bon pour une fille comme elle. Elle passa nerveusement sa langue sur sa lèvre inférieure et se dirigea vers la sortie mais il l’interpella. Lentement, elle pivota sur elle-même et se retrouva nez à nez avec lui. Pourquoi fallait-il qu’il soit aussi beau… ? Se plaignit-elle in petto. - Salut Kenza ! fit Stanley. Ça va ? Tu ne t’es pas fait mal tout à l’heure ? Jamais il ne l’avait abordé de cette manière. C’était presque…troublant. Elle parvint tout de même à lui sourire sans dévoiler ses affreuses dents. Décidément, elle avait beaucoup trop de défaut, remarqua-t-elle. - Kenza ! reprit Stanley comme elle ne disait toujours rien. - Hum? Ah oui, au fait…je euuhh…tout va bien. Ne t’inquiète pas. Stanley la regardait bégayer d’un air amusé. Elle tremblait comme une feuille. Certes Kenza n’était pas d’une très grande beauté et elle avait quelques kilos en plus des autres filles de l’université mais ce n’était pas moins un être humain et il déplorait le fait qu’on la rabaisse tout le temps ! - Ok. Puisque tu vas bien, je te laisse. Bye ! - B…bye ! A peine Stanley avait tourné les talons qu’un groupe de jeunes basketteurs se rua dans les toilettes. - What are you doing here Stan ? questionna l’un d’eux. Le coach demande à te voir ! - J’arrivais de ce pas, répondit Stanley en les suivant. Au moment de partir, quelques-uns se tournèrent vers Kenza et la toisèrent de façon méprisante. Comme si elle n’avait aucun droit de discuter avec le capitaine de l’équipe de basket. Soupirant, elle attendit qu’ils s’éloignent et elle se décida à rentrer chez elle. *** - Hi Mom ! cria Kenza en entrant chez elle. - Salut mon cœur. Déjà rentrée ? Elle rejoignit sa mère dans la cuisine d’où émanait une odeur exquise. Kenza s’assit sur l’une des chaises et prit une pomme dans le panier à fruit. - Oui. - C’était comment aujourd’hui ? questionna sa mère sans se retourner. - Bof, la routine ! Pamela se tourna vers sa fille et la regarda avec tristesse. Kenza avait l’air désinvolte mais elle pouvait sentir que sa fille souffrait, chaque jour un peu plus. D’une voix aimante, elle entreprit de la consoler : - Ça changera un jour ma chérie ok ? Sois juste forte. - Impossible maman ! hurla brusquement Kenza en posant la pomme qu’elle venait à peine de croquer. Je n’aurai jamais d’amis et tout le monde se moquera toujours de moi, c’est comme ça ! - Non, ne dis pas ça Ken ! Tu es une fille charmante ! rétorqua Pamela, en sentant les larmes lui monter aux yeux. Et si tu suivais un régime… - Non ! Sans en dire d’avantage, elle se précipita vers sa chambre puis claqua la porte derrière elle. Kenza ouvrit une boite dans laquelle elle choisit une barre de chocolat parmi la multitude de sucreries qui s’y trouvaient et se mit à la croquer en versant de chaudes larmes. *** - Mec, tu délire ou quoi ? s’indigna Stanley. Vous délirez tous bon sang ! - Ne fais pas la victime Stan, tu faisais quoi avec cette fille dans les toilettes ? Stanley se passa une main sur le visage, irrité. Depuis qu’il avait terminé son entrainement et qu’il s’était joint comme à son habitude avec l’équipe de basketball, ses amis n’arrêtaient pas de parler de Kenza et le pire était qu’ils insinuaient qu’il avait une liaison avec elle. - On ne faisait que discuter, répondit-il enfin en fixant sévèrement son cousin, Ricardo qui venait de lui poser la question. Et d’ailleurs qu’est-ce qui pourrait se passer entre Kenza et moi ? - Je l’ignore, répondit-il d’une voix moqueuse. Et d’ailleurs, je suis sûr que Merry ne sera pas vraiment enchantée de découvrir que tu es proche d’une autre fille. - Ecoute Ricardo, écoutez tous, vous faites fausse route et vous commencez vraiment par me taper sur le système. Je n’ai absolument rien à voir avec Kenza, ce n’est pas mon genre de fille elle est trop… - Balaise ? coupa un basketteur en éclatant de rire. Les autres firent de même, ce qui énerva encore plus Stanley. - Ce n’était absolument pas ce que j’allais dire ! répliqua Stanley entre ses dents. - Que diriez-vous si nous faisions un jeu ? proposa Ricardo d’un air malicieux. - Lequel ? questionna un autre. - Un pari, déclara-t-il fièrement. - Un pari ? reprit Stanley en plissant le front. Nous allons parier sur quoi ? Et pourquoi ? Ricardo lui lança un regard moqueur et baissa d’un ton. - Je propose que Stanley charme la « ravissante » Kenza et qu’il couche avec elle à la soirée du bal de fin d’année. - Non mais tu délires carrément là ! s’indigna Stanley en haussant le ton. Je suis fiancé ! L’aurais-t- oublié ? - Calme-toi frangin ! dit un basketteur. Moi je trouve ça cool comme idée. Je suis d’ailleurs sûr que la fille flashe déjà sur toi. Ce ne sera qu’un jeu d’enfant ! - Ouais, ça parait excitant comme jeu ! argumenta un autre. En plus elle n’est pas si mal que ça. Juste un peu trop grosse. Ils éclatent tous de rire, excepté Stanley qui essaya de se lever mais Ricardo l’en empêcha. - Nous n’avons pas encore terminé ! dit-il sur un ton dur, tout en affichant un sourire triomphateur. Il s’approcha de Stanley et lui chuchota à l’oreille : - Ecoute mon vieux, ce n’est qu’un jeu. Mais bon si tu refuses de le faire, je me verrai obligé de dire à Merry que tu l’utilises pour sauver la peau de ton père. Tu connais l’ampleur des dégâts que va causer cette déclaration n’est-ce pas ? A toi de décider frangin ! Puis il se rassit comme si de rien n’était. Sur le choc de ce qu’il venait de lui donner comme ultimatum, Stanley resta muet un instant. - Alors ? reprit Ricardo. - Comment as-tu appris ça ? vociféra-t-il. - Là n’est pas la question. - Mais de quoi parlez-vous ? questionna l’un d’entre eux. On veut savoir nous. - Rien que vous devriez savoir, lui répondit Ricardo en souriant. C’est entre mon frère et moi. En colère, Stanley s’en alla sans broncher. *** Stanley ne comprenait pas où voulait en venir son cousin en lui lançant un tel défi. Qu’avait-il à gagner en lui demandant de coucher avec cette pauvre fille ? Tout comme lui, il savait que les enjeux étaient beaucoup trop grands et Stanley ne pouvait se permettre de risquer de voir tous ses plans tomber à l’eau…que fallait-il faire ? Il y a avait ses parents, ses études, sa carrière, ses rêves…tout irait à l’eau si jamais Ricardo se décidait à mettre sa menace à exécution mais dans quel but est-ce qu’il se comportait de la sorte ? Stanley avait beau jaugé les possibilités, il ne trouvait aucune qui expliquait la situation. A vingt-cinq ans, il pensait avoir beaucoup trop de poids sur les épaules pour qu’à cela vienne s’ajouter le remord d’avoir profité d’une innocente jeune fille ! Incapable de se concentrer sur ses cours, Stanley soupira. Son mariage avec Merry allait régler tant de problèmes et le fait que Ricardo ait découvert ce secret compliquait les choses. Son téléphone se mit brusquement à sonner. - Allô ! fit-il en se forçant de parler d’une voix calme et posée. - Allô, mon cœur ! Comment tu vas ? Stanley ferma un moment les yeux. - Je vais très bien. Je suis même entrain de bosser pour mon examen. Et toi, ça va ? - Oh oui ! répondit sa future femme en riant à l’autre bout du fils. Je te souhaite en même temps bonne chance pour l’examen. - Merci, Merry. - Je t’en prie. Bon bref, je t’appelle juste pour te saluer. Maintenant je vais te laisser te concentrer sur ton travail. A plus mon cœur. - Oui, bisous. Lorsqu’elle raccrocha après avoir émis un petit rire, Stanley regarda longuement son téléphone comme si c’était lui la cause de tous ses soucis. Merry ne méritait ce qu’il lui faisait. Ni elle, ni Kenza qui souffrirait sûrement dans les jours à venir. Et tout ça, à cause de lui.