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1738 Words
C'était la toute première fois que j'allais quitter le cocon familial. Après des mois de négociation, j'avais enfin pu obtenir l'accord de mes parents pour aller poursuivre mes études à l'étranger. L'obtention de ma bourse y était pour beaucoup. En effet, j'étais une brillante élève. Un jour, mon lycée décida d'offrir une bourse entière et une demi-bourse pour le Canada, aux deux meilleurs de l'établissement ; Je postulai alors dans la plus grande discrétion ; A ma grande surprise, ma candidature fut retenue. Je n'avais jamais vraiment nourri l'envie de voyager. Mais cela changea au fil du temps. Je fis des recherches sur le Canada et je fus émerveillée par ce pays. Ma future école, était le genre d'établissement uniquement réservé aux gosses de riche, aux enfants des élites du pays. Mon père, même en travaillant toute sa vie, aurait été incapable de me payer la scolarité. Par la grâce de Dieu, je pourrai intégrer cette école, tout frais payé. J'avais fait quelque recherche sur les logements, mais ils étaient magnifiques. Cependant, je partagerai mon studio avec une autre étudiante, bourse oblige. En effet, le programme que je dois suivre est le suivant : je ferai la première (lycée) à la rentrée scolaire. Ensuite, si je décroche mon baccalauréat avec une excellente mention, là je pourrai maintenir ma bourse et choisir l'université qui me conviendra. L'envie de vivre seule et découvrir de nouveaux horizons commença intensément à m'envahir. J'en rêvais toutes les nuits. Et ce jour arriva enfin. Mes parents m'avaient exigé trois choses : -Maintenir mon voile. -Téléphoner tous les jours. -Rentrer dès l'obtention de mon master 2. Où sont passées mes bonnes manières ? Je ne me suis même pas encore présentée. Je m'appelle Zainab TALL. Je viens d'une famille très croyante et conservatrice. Dès l'enfance, nous avions un maître coranique à la maison. A l'âge de sept ans, ma mère a commencé à me mettre le voile, ce fut idem pour mes deux petites sœurs : Aïcha et Fatima, lorsqu'elles eurent sept ans à leur tour. Nos parents nous avaient appris que le port du voile était obligatoire dans la religion m*******e. J'ai seize ans aujourd'hui, et je le porte toujours. Lorsque j'explique à mes camarades de classe pourquoi j'ai toujours un foulard sur ma tête, c'est la même question qui revient à chaque fois : « Si tu avais le choix, le retirerais-tu ? ». Je me suis posée cette question des tonnes de fois, mais je n'ai jamais pu y répondre. Le voile a une valeur sentimentale pour moi. C'est tout à fait normal étant donné qu'il fait partie intégrante de ma vie et ce, depuis ma plus tendre enfance. J'ai grandi avec mes parents et mes sœurs. Mon père est un commerçant et voyage beaucoup et ma mère est une femme au foyer. Elle n'a jamais fait d'étude ni travaillé. Ses parents l'avaient éduqué en lui disant que la place d'une femme c'était au sein de son domicile conjugal ; Son travail est d'éduquer ses enfants et tenir correctement sa maison. Ma mère s'était donc contentée de faire ce qu'on lui demande et ce, jusqu'au moment où je vous parle. Je ne me rappelle pas l'avoir déjà vu ou entendu défier l'autorité de mon père. Elle se plie constamment à son souhait. Il m'arrive de n'être pas toujours d'accord avec elle. A chaque fois que je lui faisais des remarques sur ce plan, elle me disait qu'une bonne épouse ne doit jamais discuter les ordres de son mari et que je devais en prendre de la bonne graine. Maman m'avait aidé à faire mes valises. Elle m'avait tricoté pleins de pulls afin de ne surtout pas risquer d'attraper froid, vu le climat glacial du Canada. Mes petites sœurs quant à elle, étaient tristes. Nous étions solidaires et n'avions jamais été séparées avant. J'étais l'aînée et étais obligée de rester forte devant elle. Mais au fond de moi, j'étais terrifiée et triste. J'étais sur le point de non seulement vivre mon baptême de l'air mais encore, de me retrouver dans un pays où je ne connaissais personne. Je n'étais pas du genre à me faire des amies facilement. Je n'ai jamais eu le contact facile. En général, ce sont les gens qui viennent vers moi. Je pense que cela fait également partie des raisons pour lesquelles, je n'ai jamais essayé d'aller spontanément engager la conversation. Mes deux meilleures amies, Juliette et Hawa étaient venues me dire au revoir. Contrairement à moi, elles avaient toutes les deux grandies dans des familles très modernes. Elles respectaient chacune leurs religions respectives mais sans aucune pression. Elles avaient le droit de sortir et avaient l'obligation de rentrer à l'heure décidée par leurs parents. Moi je n'avais jamais mis les pieds à une fête, quel qu'elle soit. Le seul endroit public où j'étais autorisée à aller, c'était la bibliothèque... Alors qu'il ne restait pratiquement qu'une heure avant de me rendre à l'aéroport, mon père me demanda de venir au salon. Je ne le fis pas attendre, bien que je sache déjà de quoi il s'agissait : -PAPA : Zainab, c'est parce que nous avons confiance en toi que nous t'avons permis d'aller vivre à l'étranger alors de grâce, ne nous déçois pas. Je prierai pour que le Bon Dieu te préserve de toute forme de tentation. Au finish de ta formation, nous tenons à ce que tu rentres car tu es la promise de ton cousin Abdallah. Reste une femme pour lui. Je te souhaite pleins de succès. Sache que nos prières t'accompagnent. C'est reparti avec cette satanée histoire de mariage à propos de laquelle je n'ai même pas mon mot à dire. Mon père et sa sœur ont décidé d'un commun accord que j'épouserai Abdallah à la fin de mes études. J'espérais du fond du cœur qu'il puisse un jour, abandonner cette idée absurde. Mes parents n'avaient pas eu le cœur de m'accompagner à l'aéroport, encore moins mes sœurs. C'était Abdallah, mon promis qui s'était proposé et cela avait enchanté tout le monde sauf moi. Je n'aime pas que l'on m'impose des choses. Choisir l'homme de sa vie est un choix personnel. Il est bien vrai qu'à une certaine époque, cela se faisait énormément et ce sont des mariages que seule la mort pouvait briser. Seulement, aujourd'hui les choses sont bien différentes. Nous sommes en 2017. Et puis, je me vois mal marier à quelqu'un pour qui je n'éprouve aucun sentiment mais encore que j'ai à peine fréquentée. Abdallah essaya d'engager la conversation avec moi, une fois dans la voiture : -ABDALLAH : Alors, qu'est-ce que ça te fait de partir loin de tes parents ? Rien que le fait qu'il ouvre sa bouche me donnait envie de dormir. Il était d'un ennui mortel. Le pire dans toute cette histoire est le fait qu'il était exactement l'homme que sa mère voulait qu'il soit. Il lui obéissait au doigt et à l'œil. Je me rappelle de la toute première fois où mon père avait décidé qu'il serait mon époux. Croyant qu'il défendrait mon point de vue, je suis allée le voir en essayant de le convaincre de parler avec sa mère afin qu'elle en dissuade mon père. -MOI : Abdallah, il faut que tu parles avec ta mère car tu ne peux pas m'épouser. Ta mère et mon père sont frères et sœurs et en plus, c'est sûr que tu tomberas amoureux d'une autre femme et voudras en faire ton épouse. -ABDALLAH : Écoutes Zainab, ne le prends pas mal, mais écoutes tes parents. Toutes les décisions qu'ils prennent ne peuvent être que des plus bénéfiques pour nous. -MOI : Quand comptes-tu sortir enfin des jupons de ta mère et prendre tes propres décisions ? Tu as 20 ans Abdallah. Ce n'est pas une vie ça et en plus tu es un homme. Tu dois faire tes propres choix. Il coupa immédiatement court à la discussion. Je finis par comprendre que je ne pouvais pas compter sur son aide. Je restai silencieuse durant tout le trajet jusqu'à l'aéroport. Il voulut rester avec moi jusqu'à l'heure de mon embarquement mais je lui fis clairement comprendre que ce n'était pas la peine. Il ne fallait pas qu'il se sente obligé. Et puis, ce serait pour me laisser parler et juste se contenter d'écouter. Abdallah fut réticent à l'idée de me laisser seule à l'aéroport ; Il avait fallu que je lui fasse clairement comprendre que je n'avais pas besoin de sa compagnie. Il finit donc par se décider à rentrer ; Avant il me dit : -ABDALLAH : Écoutes Zai, Tu m'es destinée alors je me dois de te donner certains conseils. Les femmes comme toi sont naïves. Les blancs et nous avons des mentalités diamétralement opposées. N'oublies pas d'où tu viens, n'oublies pas toutes les valeurs que tes parents t'ont inculquées... -MOI : Abdallah, mon père a déjà fait son discours. Je n'ai vraiment pas besoin que tu en rajoutes ! Je ne suis ni dupe ni naïve. Je suis une femme de principe et ce, même hors de mon pays natal. Commence par devenir indépendant. Bonne route et merci de m'avoir emmenée. Abdallah fit une mine que seul moi pouvais déchiffrer. C'était comme pour dire que je n'en fais qu'à ma tête. Je suis sûre que vous auriez fait pareil à ma place. Cet homme est insupportable. Il se laisse diriger par sa mère comme un bébé. J'étais assise et me posais beaucoup de questions. Comment ça se passera dans l'avion ? Serait-ce comme dans les films ? Et s'il y a un terrorisme à bord ? Je me stressais et me rassurais toute seule en même temps. Drôle non ? Quarante-cinq minutes après, je fus tirée de mes pensées par une voix : -LA VOIX : Les passagers du vol 736 à destination du Canada sont priés de bien vouloir se rendre à la salle d'embarquement. Merci Je répète : -LA VOIX : Les passagers du vol 736 à destination du Canada sont priés de bien vouloir se rendre à la salle d'embarquement. Merci. Elle répéta encore la phrase mais en anglais cette fois. Je suivais alors les autres passagers. Une fois dans l'avion, j'étais assise à côté d'une femme âgée et d'un homme qui avait pratiquement l'âge de mon père. Je n'osais pas dormir. C'était nouveau pour moi. Je priai discrètement afin que le voyage se passe bien. Et c'est parti, Montréal j'arrive In shA Allah!
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